COMPRENDRE
le concept de complexité ou faut-il changer nos représentations
sur les phénomènes d’enseignement et d’apprentissage ?
Il
ne suffit généralement pas, d’expliquer à l’élève,
ce qu’il doit faire en matière de démarquage pour qu’il le
fasse : il ne suffit pas non plus de bannir tout recours à l’intentionnalité,
qu’exprime par exemple une consigne, pour optimiser l’apprentissage scolaire.
Nous avons abordé l’analyse du concept de complexité pour
montrer qu’il est aujourd’hui incontournable de repenser notre rapport
au monde, pour enseigner plus efficacement, dans le contexte qui est à
présent le nôtre.
Ainsi, comme nous avons cherché à
le montrer en amont : la rationalité majoritairement dominante dans
le champ de l’EPS, en tant que pratique d’intervention
scolaire, apparaît généralement comme positiviste et
cognitiviste. A contrario, nous avons relevé que la recherche
STAPS abandonne peu à peu ces paradigmes classiques, au profit d’autres
autorisant la prise en compte du caractère complexe du système
humain pour fonder de nouvelles théories de l’action. Ainsi avons-nous
tenter une présentation en ce sens : des théories dynamiques
de l’apprentissage et du contrôle moteur (Delignières, Temprado),
des théoriesde l’action située
(Durand, Theureau, Saury,
Sève, Gal-Petitfaux, Hauw)
ou des théories plus récentes, de sensibilité plus
herméneutiques (Picot) ou anthropologiques (Gouju, Alin).
Celles-ci tentent d’intégrer dans leurs problématiques les
évolutions paradigmatiques des champs scientifiques dont elles se
réfèrent : sciences de la nature (tradition explicative)
ou sciences humaines (tradition compréhensive).
D’un côté les chercheurs visent à modéliserle
phénomène de l’apprentissage et du contrôle moteur
à partir des modèles physico-mathématiques issues
de la théorie du chaos (principe d’objectivité) : de l’autre
les chercheurs visent à améliorer la compréhension
de l’action en plaçant en avant le sujet comme acteur et co-auteur
des actes qu’il commet (principe de subjectivité). Deux facteurs
éminemment complexes pour expliquer ou comprendre l’action et donc
l’intervention focalisent les attentions de part et d’autre : le temps
(la dynamique) et/ou le sujet (la subjectivité).
Cependant,
en tant qu’enseignant-praticien nous avons montré
que nous sommes sensible au point de vue d’E.Morin
(1980) lorsqu’il écrit qu’en définitive
: « Compréhension
et explication doivent s’entre-contrôler
et se renvoyer l’une à l’autre dans un circuit cognitif explication
/ compréhension. Où, tandis que l’explication
introduit dans la vie les déterminants physico-chimiques, les règles,
mécanismes, structures d’organisation, la compréhension nous
restitue l’individu-sujet vivant lui-même.»Force
est aujourd’hui de constater que les préoccupations des chercheurs S.T.A.P.S.
restent malgré tout très éloignés de celles
des enseignants d’EPS. C’est donc à ces
derniers de problématiser, entre logique explicative et compréhensive,
la mise en œuvre de leur enseignement, éclairéé
des apports scientifiques sur l’action.
C’est
en ce sens que nous avons cherché à démontrer qu’il
est aujourd’hui utile pour l’enseignant d’EPS
d’adopter une problématique de la complexité intégrant
dialectiquement ; une démarche de planification située et
de façon complémentaire, une démarche classique de
planification a priori des contenus d’enseignement. Ainsi l’enseignant
pourra répondre plus efficacement aux exigences complexes de transformation
des conduites motrices scolaires, de plus en plus précisées,
attendues institutionnellement.
En
filiation avec la tradition phénoménologique Hélène
du mythe de la caverne, nous sommes invités à critiquer
le témoignage de nos sens. Avons-nous par un recours
exclusif aux modèles de l’action, issus du monde de la recherche
nomothétique, compte tenu de la scolarisation massive devenue notre
quotidien et les contraintes liées en terme de gestion d’hétérogénéité,
compte tenu également de ce cloisonnement théoriciens praticiens
; compromis nos chances de permettre d’optimiser le développement
de chacun ?
Ne
doit-on pas alors, porter un regard critique sur les enjeux disciplinaires
perçus par une corporation, qui peuvent peut-être représenter
à la fois le souci d’une intégration scolaire (coûte
que coûte) et l’espoir d’une reconnaissance (au risque de tout perdre)
? C’est le dilemme posé à l’enseignant lorsqu’il doit parfois
contradictoirement privilégier l’évaluation terminale aux
contenus d’apprentissage : les textes d’examens (et leurs logiques de sélection)
aux programmes (et leurs logiques de développement). C’est le dilemme
échappantau
monde de la recherche S.T.A.P.S., embarqué
(en France, par nature ?) dans une problématique développementale
: à moins qu’à l’instar du monde sportif professionnel, des
demandes d’essence plus pragmatiques, lui soient formulées avec
les moyens correspondants.